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Sommes-nous (ir)remplaçables ?

Sommes-nous irremplaçables ?

J’ai une affection particulière pour les auteurs slaves. En même temps, je crois que je n’en connais que deux. 
Est-ce suffisant pour asséner une telle généralité ? 
D’autant plus que je n’ai pas une culture littéraire très étendue. 

Semblables…

Peut-être qu’il serait plus juste de dire que j’aime lire Cioran et que j’adore les livres de Kundera. 
Je les ai pourtant découvert assez tard. Je suis entrée dans l’oeuvre de Kundera par « L’insoutenable légèreté de l’être ». 
Comme la plupart des gens j’imagine. 
A cause du titre. 
Comme beaucoup certainement. 
Alors que la génétique nous rend uniques, nous sommes tous désespérément semblables. 
On se fond dans la masse. 
On aime les mêmes choses que les autres. 
Sensiblement pour les mêmes raisons. 

Nous nous accordons sur ce qui est beau ou ce qui ne l’est pas. 
Sur ce qui vaut la peine d’être lu ou pas. 
Nous suivons le flux. Nous sommes rarement à contre-courant. 
Et lorsque nous le sommes c’est simplement que nous suivons la tendance suivante. 

A part ma génétique, rien ne me rend donc unique, irremplaçable ?

Mais différents !

Il y a cette phrase courante qu’on entend, particulièrement, dans le monde du travail : “personne n’est irremplaçable”. 
Cette phrase comme un instrument de pression. D’oppression. Cette phrase qui met fin à toute tentative d’expression. 
Parce que nous serions remplaçables, nous devrions accepter n’importe quelle situation. 
Nous estimer heureux que, malgré notre banalité, nous occupions ce poste que n’importe qui d’autre pourrait occuper à notre place.
Dire que nous sommes remplaçables, c’est anéantir toute perspective d’évolution de la société. Une menace pour la démocratie même, d’après Cynthia Fleury (Les irremplaçables- 2015). C’est affirmer que nous n’avons aucune spécificité. 
Cette phrase c’est la plupart du temps une menace, plus qu’un constat ou une réalité. Elle n’est basée sur rien. Elle est juste un moyen (de plus ?) de domination. On nous la répète si souvent qu’on finit même par y croire. Et par annihiler tout ce qui nous rend uniques justement. 
Notre moi profond.
Notre sensibilité. 
Notre créativité. 
Notre imaginaire. 
Notre humanité. 
Notre désir de penser en dehors de la boîte. 
Nos sensations.
Puisque rien ne nous distingue des autres, ne nous faisons pas remarquer. Ne tentons pas de changer l’ordre des choses puisque nous n’y pouvons rien
changer. 
C’est comme un nivellement par le bas de la société. 
Rien ne doit dépasser. 
Et lorsqu’un élément de cet ensemble docile, soumis, commence à dysfonctionner, à revendiquer sa spécificité, il est rapidement ostracisé. 
Rangé dans la catégorie des fous, des fragiles, des dysfonctionnants, des non adaptés. 

Il ne faut pas déranger l’ordre apparent du monde.